Stop au chaos ! Domptez les lois du temps grâce à l’Agilité.

21 octobre 2025

"L'agilité, c'est du bruit. C'est cher, c'est lent, je ne suis pas sûr du résultat et je n'ai aucune visibilité sur les coûts et les délais. Je n'ai plus le contrôle."

Jean-Christophe est le nouveau responsable du département. Ses équipes sont organisées en mode "agile", mais les résultats ne sont pas là selon lui, l'urgence est palpable, et il sent qu'il doit agir vite. La tentation est forte de tout arrêter pour revenir au bon vieux cycle en V, ce modèle rassurant où tout est planifié, documenté, et où l'on sait exactement où l'on va. C'est du moins ce qu'il se dit.

Un jour, dans les couloirs, il tombe sur Axelle, une ancienne amie, désormais coach agile. Au cours d'un déjeuner, il lui expose sa frustration. Axelle l'écoute attentivement et lui répond calmement : 

"Jean-Christophe, je comprends que tu aies l'impression de perdre le contrôle.

Je veux bien qu’on commence par clarifier ce qu’on entend par « Agilité ». On nomme agile toute pratique qui incarne le Manifeste Agile de 2001. Je comprends que même avec ces 4 Valeurs et 12 principes cela reste vague. Si tu es ok on va désigner « Agile » soit une équipe, soit un produit, soit une organisation, pérenne, qui travaille par petits cycles de 1 à 3 semaines et livre de la valeur le plus souvent possible pour récolter du feedback et choisir ce qu’elle fait de cet apprentissage par la suite. 

Les deux approches Cycle V et Agile ne s’opposent pas. En fait l’Agilité répond mieux à certains contextes, notamment ceux à forte incertitude et complexité. Le cycle V, lui, va être adapté pour les sujets prévisibles ou maîtrisés. 

L'agilité, loin de te retirer le contrôle, te donne plus de contrôle et une prévisibilité bien plus fiable que le cycle en V dans ces contextes-là d’incertitude et de complexité. Elle ne fait qu'intégrer, de manière naturelle, les lois du temps que tu as toi-même apprises et appliquées toute ta vie.”

Cet article, inspiré de leur conversation, explore comment l'agilité répond aux grandes lois qui régissent notre travail, de l’idée à l’ajustement. Pour un propos clair, nous allons suivre le cycle d’amélioration continue préconisé par l’Agilité elle-même, ou cycle de Deming : PDCA (PLAN > DO > CHECK > ADJUST).


1. De l'idée à la valeur : l'agilité comme GPS du succès (PLAN)

L'agilité ne se lance pas à l'aveugle. La première phase, la découverte, est un processus de compréhension et de planification qui s'appuie sur une démarche pragmatique.

On commence par rassembler les bonnes personnes avec le maximum d’informations utiles : 

  • Loi de Watson (Tom Watson, ancien PDG d'IBM) : "Si tu mets toujours l’intelligence et l’information en premier, l’argent suivra naturellement."

En formant une équipe mixte en métiers et pérenne dans le temps (utilisateurs, experts fonctionnels, experts design, finance, architectes, développeurs), et en construisant une salle physique ou virtuelle dédiée pour le produit / projet où rassembler les informations clés ( ou “obeya room”) l'agilité s'assure que toutes les informations sont disponibles dès le départ pour l’ensemble des personnes clés nécessaires pour prendre les bonnes décisions. L’équipe va donc pouvoir s’auto organiser grâce aux informations mises à disposition et prendre des décisions sans contrôle permanent. L'objectif n'est pas de suivre un plan rigide, mais de rester à l'écoute en continu des besoins réels pour créer de la valeur, ce qui génère des revenus durables. 

On formule la problématique de façon claire et spécifique :

  • Loi de Kidlin : "Si vous pouvez écrire clairement un problème, vous avez déjà fait 50 % du chemin vers sa résolution."

Durant la phase de découverte des besoins ou "Design Thinking", les équipes reformulent collectivement le problème sous la forme d'un défi inspirant ("Comment pourrions-nous... ?"). Cela permet de focaliser l'effort sur le véritable enjeu, en considérant le reste comme de simples hypothèses à tester pour répondre à ce défi.

On se projette sur une estimation, afin que ce soit cohérent par rapport à la problématique : 

  • Loi d'Hofstadter (Douglas Hofstadter, professeur de sciences cognitives et de physique) : "Il faut toujours plus de temps que prévu, même en tenant compte de la loi d'Hofstadter."

Face à l'incertitude des estimations, l'agilité propose de découper le projet en petits éléments livrables et de les prioriser. Ainsi, même si une tâche prend plus de temps que prévu, vous êtes certain que le plus important sera livré, au service d’un logiciel fonctionnel et ce, à chaque itération. Les longs débats pour estimer si un élément prendra 10 ou 11 jours sont évités car les approches d’estimations sont orienté vers la complexité relative des éléments à créer (par exemple via l’usage de la suite de Fibonacci, les tailles de t-shirt).

On priorise des petits éléments livrables au client/ utilisateur sur des critères partagés :

  • Loi d'Eisenhower (Dwight D. Eisenhower, ancien Président des Etats-Unis) : "Ce qui est important est rarement urgent, et ce qui est urgent est rarement important."

L'agilité utilise des critères de priorisation pertinents (valeur métier, risque, coût, etc.) pour hiérarchiser les tâches. Cela permet de s'affranchir du simple critère de l'urgence ou de l'avis de la personne la plus influente. La valeur prime sur le bruit.

  • Loi de Laborit (Henri Laborit, neurobiologiste, chirurgien et philosophe) : "Nous cherchons naturellement à éviter les tâches les plus difficiles pour se consacrer à celles qui apportent un plaisir immédiat."

L’agilité prône la priorisation par la valeur, donc ce qui doit être fait en premier et ce qui est priorisé, peu importe que cela soit agréable ou désagréable. De plus, par exemple, en Scrum, un objectif de sprint est défini en début de cycle. Cet objectif clair et précis crée un focus pour toute l'équipe, l'incitant à accomplir les tâches nécessaires, qu'elles soient agréables ou non.


2. Bâtir et tester : le prototype comme bouclier contre les risques (DO)

Une fois les hypothèses posées, l'agilité passe à l'action de manière structurée pour réduire les risques et garantir la qualité.

On intègre l’incertitude et la complexité par défaut dans le processus, en vérifiant les hypothèses :

  • Loi de Murphy (Edward A. Murphy Jr., ingénieur en développement aérospatial) : "Tout ce qui est susceptible de mal tourner tournera mal."

En plus d'ateliers collaboratifs pour anticiper les risques (par exemple un atelier "mon pire cauchemar"), l'agilité mise sur la vérification précoce des hypothèses via des PoC (Proof of Concept, pour prouver la faisabilité technique), PoV (Proof of Value, pour prouver la valeur commerciale), Prototype (pour simuler l'expérience utilisateur), MVP (Minimum Viable Product, pour offrir la première version fonctionnelle pour un public cible). La mise en production la plus rapide possible du plus petit élément à valeur permet de solidifier le processus de livraison et de réduire les risques.

On stabilise ce qui est à notre portée pour ne pas ajouter de l’incertitude et de la complexité :

  • Loi de Brooks (Frederick Brooks, ingénieur logiciel et informaticien américain) : "Ajouter des personnes à un projet en retard ne fera qu’accroître le retard."

L'agilité privilégie des équipes stables, petites (3 à 9 personnes), et pluridisciplinaires. En travaillant ensemble sur le long terme, elles apprennent à collaborer efficacement, à connaître leur rythme de travail soutenable, et deviennent ainsi plus prédictives.

  • Loi de Confucius (philosophe et éducateur chinois) : "L’expérience ne sert qu’à répéter les mêmes erreurs, mais plus rapidement."

Le fait de conserver la même équipe entre l’exploration continue du besoin (cadrage), le développement continu (développement, intégration) et l’apprentissage une fois en production permis par la livraison continue, crée une expérience collective globale qui ne repose pas sur un livrable transmis d’une phase à l’autre, sur une seule personne ou sur quelques personnes clés qui sont parties du process car leur phase est terminée. Les erreurs deviennent des apprentissages partagés, démultipliant ainsi la capacité de l'équipe pérenne à devenir ultra-performante.


3. Apprendre et s'ajuster : la puissance du feedback en continu (CHECK)

Le plus grand atout de l'agilité est sa boucle de feedback constante, qui permet de gagner en justesse et en impact.

On formule l’impact recherché dès le début, pour clarifier l’attendu à tous les niveaux : 

  • Loi de Kotter (John Kotter, professeur à Harvard et expert en conduite du changement) : "Allons chercher des résultats immédiats."

La recherche de l’impact est en cascade en agilité. D’abord, au niveau organisationnel, on explicite la mission, la vision et les objectifs et on décrit les critères de réussite stratégiques, tactiques et opérationnels (“OKR”) que l’on co-construit et communique à l’ensemble de l’entreprise. Ensuite, au niveau projet / produit, on réalise des ateliers collaboratifs type “impact mapping”, une sorte de mind map réfléchie en 4 étapes : on part de l’objectif métier ou stratégique du produit / projet (pourquoi), on identifie les acteurs ou ceux dont le comportement doit changer (qui), les comportements qui doivent changer (comment) et enfin les initiatives pour changer ce comportement (quoi). Enfin, chaque fonctionnalité “feature” ou "user story" est associée à une hypothèse de bénéfice à mesurer. L'équipe ne s'arrête pas à la livraison, elle mesure l'impact réel une fois le produit entre les mains de l'utilisateur, ce qui permet de s'assurer d'avoir atteint l'objectif et de capitaliser sur les succès. Une véritable culture de la mesure s’instaure pour tout améliorer. En incluant le flux de livraison que l’équipe va chercher à améliorer en levant les obstacles à sa fluidité.

On diffuse la pratique du feedback sous différentes formes et temporalités pour que les collectifs s’améliorent constamment :

  • Loi de Dunning-Kruger (David Dunning et Justin Kruger, psychologues américains) : "Les personnes avec peu de compétences se surestiment souvent." 

L'agilité encourage un feedback bienveillant et constant : démonstration de produit, rétrospective d'équipe, échanges informels. Après avoir posé un cadre collectif qui garantit la bienveillance, c'est l'occasion de "parler vrai" sur les compétences et les limites de chacun, de créer une prise de conscience et de favoriser l'apprentissage continu.


4. Décider et progresser : l'action qui fait avancer le système (ADJUST)

Les meilleures intentions et les plus beaux plans ne valent rien sans l'action. L'agilité transforme la réflexion en mouvement constant, car chaque événement à son objectif d’action.

On prend constamment des décisions afin de garantir que le système avance sur le produit, l’équipe, l’organisation : 

  • Loi de Newton (Isaac Newton, physicien, mathématicien et astronome) : "Un corps au repos reste au repos à moins qu’une force externe n’intervienne."

Contrairement au cycle en V où il n’y a pas forcément de visibilité entre les jalons, l'agilité est faite de micro-décisions régulières dans le laps de 1 à 3 semaines. La somme de ces décisions prises à chaque événement (planification, démonstration, rétrospective) est la force qui maintient le système en mouvement constant.

On s’assure que ces décisions se fassent sur un cycle le plus court possible :

  • Loi de MacKenzie  (Edwin C. MacKenzie, consultant en productivité) : "Le mieux est l'ennemi du bien."

L'agilité se concentre sur l'essentiel. La priorisation en petits pas permet d'éviter le perfectionnisme qui freinerait la livraison et l'obtention de feedback, garantissant de la valeur au plus tôt.

  • Loi de Parkinson (Cyril Northcote Parkinson, historien et auteur britannique) : "Le travail s'étend toujours sur le temps qu'on lui accorde."

En se fixant des cycles courts et réguliers, par exemple de 1 à 3 semaines, ou bien sur un flux tiré mesuré, l'agilité met une pression positive sur les équipes. Cela permet de se concentrer sur l'essentiel et de livrer de la valeur concrète sans gaspiller de temps.


Conclusion : L'Agilité n'est pas un dogme, elle peut être un atout très fort

Jean-Christophe regarde Axelle, pensif. Il commence à comprendre que l'agilité n'est pas un ensemble de règles ésotériques. C'est un ensemble d'outils et de pratiques pour naviguer dans l'incertitude et la complexité.

"Finalement, Jean-Christophe, conclut Axelle, on pourrait dire que tu as plus de contrôle avec l'agilité. Tu as la visibilité dont tu as besoin, non pas sur des jalons qui ne sont que des hypothèses, mais sur de la valeur livrée concrètement et mesurable tout de suite. Le cycle en V a ses forces, il est pertinent dans des contextes prévisibles. Mais quand l'incertitude et le changement dominent, l'agilité n'est pas le problème, mais une aide pour contrer les lois du temps qui peuvent saboter tes projets."

Le vrai contrôle, ce n'est pas de faire semblant de tout maîtriser quand la situation n’est pas maîtrisable. C'est d'avoir la capacité de s'adapter et de prendre les meilleures décisions en continu.

Audrey Dacié (Nonotte-Varly), Coach Agile

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Par Valeuriad
21 octobre 2025
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